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Et je me racle une fois de plus la gorge et je crache et j'écrase et je m'essuie l'abat-jour. Quand il se l'est caressé, son abat-jour, avant de me redire, hier, dans le train, qu'il pouvait retenir son billet aller, celui qui l'avait dénoncé, et quand je lui ai dit : "celui ou bien celle", il m'a regardée et j'ai eu peur, j'ai cru qu'il allait se douter, et que tout allait tourner autrement, mais il a ri alors, de son rire de poitrail. Il est comme tous les types, il a pas le même regard avec les femmes qu'avec les hommes. Avec les hommes, il voit tout, il devine tout, et pour l'avoir, c'est pas possible, avec les femmes, il voit plus rien. Avec les hommes, tout est clair dans sa tête, avec les femmes, c'est le noir total. Le soir de cette fête, chez son grand ami mauricien, chez son jeune frangin, comme il dit, il sait pourtant bien que c'est qu'un petit tricheur, son frangin, y a même qu'à voir le nom qu'il a, comme ceux de son île, un nom en caoutchouc, j'ai jamais pu l'appeler que Mamatou, mais la nuit d'avant, ma vieille queue était en voyage d'affaires, et je l'avais passée avec Mamatou, cette nuit-là, qu'est-ce qu'on avait dormi, une heure au plus, j'avais les yeux tout rouges, le soir, à la fête, les yeux pleins de sang, et Mamatou aussi, en plus de ça il arrêtait pas de m'envoyer des regards, n'importe qui aurait pu tout lire, il a rien vu, lui, ma vieille queue, rien. C'était l'an dernier, le jour du printemps, cette fête, et le lendemain, ma vieille queue, oui, c'est le lendemain que je l'ai dénoncé.






Extrait LE DERNIER MOT © Maurice Regnaut




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