erreur humaine

 

 



- Bonsoir, monsieur Maxime.

- Vous étiez sûre que c'était moi ?

- Sûre et certaine, monsieur Maxime. Avec mes amies, c'était la même chose, avec toutes. Le téléphone sonnait, je disais : c'est Lucile, je décrochais : bonsoir Lucile, et c'était en effet Lucile. Ou bonsoir Agathe, ou bonsoir Mariette, ou bonsoir Paule, et c'était Agathe, ou Mariette, ou Paule. Et je ne me trompe jamais non plus, quand c'est moi qui appelle et qu'il n'y a personne, à l'autre bout, là-bas, je l'entends tout de suite à la sonnerie, elle ne résonne pas de la même façon quand un appartement est vide.

- Ecoutez, vous vous foutez de qui ?

- Excusez-moi, monsieur, mais autant ne pas aller plus loin, si déjà vous ne me croyez pas. Vivien, comment va-t-il ?

- Vous en avez autant que ça, des amies ?

- J'en avais, cher monsieur, j'en avais même trop, à l'époque. Et puis un jour une s'est mariée, ensuite une autre, il y a trois ans la dernière, et bien sûr, leur vie est devenue un homme, un enfant, un deuxième, et laquelle encore m'appelle, aujourd'hui ? Paule, de temps à autre, et Solange. Et vous les connaissez, les hommes, quand c'est leurs femmes qui parlent, au téléphone, qui parlent au lieu de rester près d'eux à s'ennuyer, qui parlent et qui parlent et n'en finissent pas de rire de plus belle, eh bien c'est simple, ils deviennent enragés, ces hommes, enragés comme des chiens, à faire fuir à toutes jambes le plus gros des vétérinaires. Et combien de fois, monsieur Maxime, combien de fois j'ai pu les entendre, en bruit de fond, qui aboyaient de plus en plus fort ! Je continuais, un peu exprès, jusqu'au moment tout de même où c'était sur moi que ces messieurs vomissaient leurs torrents d'injures.

- Elles vous appelaient sans doute un peu trop souvent, vos amies, non ?

- Lucile, Agathe, Mariette, je les appelais toutes mes amies filtre, à cause du café, j'adore le café et je suis toujours en train d'en faire, et je ne me couche jamais sans avoir pris ma dernière tasse, moi, ça me fait dormir, mes cinquante kilos de plume en deviennent tous de plomb. Je préparais donc ma cafetière et quand le téléphone sonnait, je mettais en marche et c'était Mariette, ou c'était Solange, en avant alors pour ma petite soirée, avec cet arôme, en même temps, cet arôme si vif, si puissant, ça vous soulève par le fond des narines, et dans toute votre tête, c'est comme si vous étiez sous une coupole illuminée.

- Vous en avez fait, ce soir, du café ?

- Il est en train de se faire, monsieur Maxime, et déjà, si vous pouviez sentir...

- Je suis une amie filtre, en somme, la nouvelle, c'est ça ?

- Monsieur Maxime, en votre honneur, j'ai décidé en effet que j'essaierais, ce soir, une nouvelle marque. Et pourtant je me méfie, et même, à ma caisse, quand une cliente m'apporte un café dont je me souviens qu'il était vraiment trop mauvais, je la renvoie chercher une marque à moi...

- Et votre première marque, elle, vous vous en souvenez, c'était pour qui, pour Lucile ?

- Lucile, Agathe, Mariette, c'était toutes des amies filtre, monsieur Maxime, pas plus. Des amies, des vraies, et de bien avant, je n'en ai eu que deux, mais autant la première était brune, autant la deuxième était blonde, l'une s'appelait Denise, l'autre Flore.

- Denise la brune et Flore la blonde, et Clarelle ?

- Juste entre les deux, Clarelle, châtain clair. Mais votre fils, monsieur Maxime, il va mieux ?

- Qu'est-ce qui lui est arrivé, à votre brune ?


- Denise, on avait reçu la même éducation, Denise et moi, chez notre tuteur, monsieur Zébédée, et c'était dur, très dur, monsieur Maxime, et surtout pour elle, elle était tellement plus fragile que moi, ma Denise, et plus jeune aussi, vous voulez que je vous raconte tout ?

- Tout, non, je me contenterai de la fin.

- A votre santé, monsieur Maxime. Cette fois, aucun doute, je vous ai entendu boire. Qu'est-ce que vous buvez ?

- Nothing but Glen.

- Quoi ? C'est de l'anglais ?

- C'est mon whisky.

- Vous en buvez beaucoup, de votre whisky ? Les autres soirs, vous ne buviez pas.

- A mon bureau, j'évite. Ce qui parfois n'arrange pas les choses. Ce soir, je suis chez moi, je bois. Clarelle, la fin, Denise.

- Denise, elle était devenue, après huit ans chez monsieur Zébédée, elle était devenue en effet ce que les gens appellent folle, elle écrivait...

- Elle écrivait ?

- Des poèmes, elle me les lisait, ce que ça voulait dire, elle ne le savait pas elle-même, elle buvait tellement, et fumait, et s'habillait, il fallait voir, toute en cuir, mais un cuir râpé et même rapiécé, et des chaînes rouillées, des petites, des grosses, partout sur elle, elle passait les week-ends à courir les marchés aux puces...

- Elle travaillait ?

- Dans un hôpital, elle faisait les chambres, ils l'avaient mise là dès qu'elle avait eu l'âge, et physiquement, elle aussi, elle faisait plus de seize ans, mais dans sa tête, elle était de plus en plus perdue, elle parlait aux anges, oui, aux anges, et dans ces moments-là vous l'auriez vue, elle avait un visage, on se serait arrêté de respirer pour mieux la regarder, pour mieux l'écouter, ma Denise, elle avait une voix, dans ces moments-là, une voix très loin, pleine de lumière, on aurait dit un clair de lune...

- Elle vivait avec vous ?

- Ils lui avaient trouvé aussi une mansarde, au sixième, un cagibi minuscule, tout crasseux, mais par chance on était voisines, et la plupart du temps elle venait chez moi, j'avais un studio, on dormait ensemble, et puis un matin, le spectacle, monsieur, le spectacle, elle était toute nue en sang sur le drap, les bras, la poitrine, le cou, toute couverte, un sang tout séché, elle ne bougeait plus, j'ai éclaté de rire, j'ai bondi du lit, je riais, Denise, ma Denise, je ne pouvais plus m'arrêter de rire, et soudain elle ouvre les yeux, elle n'était pas morte, elle s'était tailladé les poignets, aux deux bras, à coups de bistouri, elle avait perdu tellement de sang qu'elle s'était endormie, et tout s'était coagulé...

- Et vous n'aviez rien entendu ?

- Rien, je dormais, ma Denise, elle n'a même pas voulu que je la lave, elle m'a parlé, elle s'était dit que si elle était vivante, au matin, elle irait voir un prêtre, elle m'a demandé que j'aille en chercher un, j'ai mis un temps pour finalement trouver un vieux curé, il est venu aussitôt, Denise l'a regardé, elle avait son visage, celui aux anges, et je l'entendrai toujours lui dire, avec sa voix de clair de lune : je suis purifiée, emmenez-moi, c'est fini, je suis purifiée, et le vieux curé alors l'a emmenée, elle vit depuis dans un couvent, je ne sais même plus où, mais c'est le mieux pour elle.

- Vous vous connaissiez depuis tout enfants ?

- Ses parents sont morts, dans un accident, c'était la première fois qu'ils pouvaient partir en vacances, et je n'arrive jamais à me souvenir, si c'est un car qui est tombé dans un ravin ou si c'est un train qui a déraillé, c'est sans doute encore autre chose. Ils étaient partis en laissant Denise à maman, c'était des petites gens, des petits brocanteurs, qui n'avaient plus de famille, il avait eu un frère, lui, qui était mort au camp de concentration, et Denise, maman l'a gardée. On a donc vécu ensemble dix ans, ma Denise et moi, chez maman d'abord, puis après la mort de maman chez notre tuteur, monsieur Zébédée, ils n'avaient pas voulu nous séparer.

- Quel âge, Denise, quand ses parents sont morts ?

- Trois ans, j'en avais six. Pour l'âge aussi, Denise et Flore, j'étais entre les deux. J'avais trois ans de plus que Denise et trois ans de moins que Flore.

- Flore, racontez-moi, la fin.

- Monsieur Maxime, il n'y a que moi qui parle.

- C'était d'accord, non ?

- Vous ne m'avez toujours pas donné de nouvelles de Vivien. Vous me parlez de votre fils, sinon je ne vous raconte pas Flore.

- Flore avant.

- Flore après, c'est juré.

- Vous dire quoi ? Que je n'ai qu'un fils et qu'il est diabétique ? Original, non ? Diabétique, j'ai un fils diabétique, traité comme tous les diabétiques, à l'insuline, point final.

- Mais pourquoi étiez-vous dans un tel état, l'autre soir ?

- C'est maintenant qu'il s'est déclaré, c'est seulement maintenant, son diabète, avant, rien, pendant plus de seize ans, rien de rien, à seize ans, presque dix-sept, malade à vie, ça peut arriver, paraît-il, mais le temps de faire les analyses, le temps de savoir enfin, tout ce qu'il y a eu, jusque là, c'est qu'un gaillard d'un mètre quatre-vingt-quinze, quatre-vingts kilos, des mains comme des battoirs, et beau comme une pub, voilà sa gueule d'un coup qui vire au gris, toute creuse, toute tendue, et dix secondes après, coma, tout est par terre, un sac vide, drôle d'effet, non ?

- Je ne sais plus ce que j'ai pu vous dire, ce premier soir, mais vous m'en excuserez, monsieur Maxime.

- Quand j'y repense, à ce premier coup de fil, Léonie, et dire que je croyais que c'était sa voix, dire que je n'ai pas reconnu, dès les premiers mots, que c'en était une autre, et quelle autre...

- Vous venez de boire deux fois, cher monsieur Maxime, deux fois de suite, ou presque. Avec votre whisky, vous allez finir par vous faire du mal.

- So much the better.

- C'est encore de l'anglais ?

- Flore, à vous, Clarelle, racontez, Flore, la fin.

- Un soir, c'était l'année après celle de Denise, il y avait eu déjà, les deux années avant, mes deux motards, mes deux premiers, chaque année il y avait une histoire, à l'époque, un soir on sonne, j'ouvre, je me suis dit que c'était une erreur, elle me dit : je suis Flore. Son père avait connu maman, je n'étais pas au monde, il avait donné depuis longtemps son adresse à Flore, elle n'y avait trouvé personne et pour cause, ça faisait neuf ans qu'elle n'était plus là, maman, plus nulle part, mais son père lui avait tellement parlé d'elle, Flore avait appris qu'il y avait une fille, elle avait voulu la connaître, et ce soir-là, on était au début du printemps, elle est entrée, et je n'y suis pour rien, Flore, elle est repartie avec l'été. C'est elle qui m'a tout raconté, mais ce n'était que la nuit que j'arrivais à ce qu'elle parle, elle aussi...

- La fin, Clarelle, abrégez.

- Son père, c'était aussi les Russes qui l'avaient libéré, mais lui, ils l'avaient alors emmené chez eux et remis dans un autre camp. Pour Flore, son père, sa mère, tous les deux étaient morts. Sa mère effectivement l'était, elle n'avait pas tenu plus de quelques mois, son père, en 61, le voilà qui revient. Sa fille, il n'en avait qu'un vague souvenir, elle n'avait pas trois ans quand les Allemands les avaient arrêtés, son père et sa mère. Et ce qu'il retrouve, son père, c'est une jeune femme, et belle, Flore était d'une beauté, monsieur Maxime, on ne supportait plus le reste du monde, après qu'on l'avait regardée, elle avait dix-neuf ans, lui vingt ans de plus. Ils sont partis ensemble, on avait donné à son père une place de gardien dans un château, au bord d'un fleuve, du côté du Midi. C'est là qu'ils ont vécu quatre années de bonheur, cher monsieur Maxime, d'un bonheur de couple amoureux, quatre années. Flore, toutes les nuits, c'est du château qu'elle me parlait, elle avait des photos, des livres, elle savait tout sur ce château. Il avait appartenu à je ne sais plus qui, un prince peut-être, et c'est vrai, l'intérieur était magnifique, avec un plafond à caissons, entièrement peint, Flore, la journée, n'arrêtait pas de le dessiner. Et pourtant, toutes les nuits, aucun doute, ce n'est pas du château qu'elle parlait, c'est de cet amour, en fait, de cet amour qu'elle a connu, elle, avec son père, et c'était quelque chose de tellement fort, dans tout mon corps, de tellement vrai, toutes les nuits je n'avais qu'une idée, en l'écoutant, toujours la même, une idée, une envie, et tellement sotte, non, vous ne devinerez pas, monsieur Maxime, c'était toutes les nuits de prendre l'avion.

- L'avion ?

- Je ne l'ai jamais pris.

- Clarelle, la fin de l'histoire.


- Son père, on l'a retrouvé dans le fleuve, un jour, il s'était noyé.

- Accident ?

- Il avait laissé un mot, que Flore m'a lu, qu'elle m'a montré : "Tu m'as rendu heureux. Je n'avais pas le droit. Je t'aime."

- Pas le droit ?

- Ce que son père avait voulu dire, elle aussi se le demandait toujours. Ce qu'elle disait, c'est que le plus terrible, quand quelqu'un comme son père, un homme qui avait tout, accomplit un acte pareil sans aucune raison apparente, c'est qu'il a dû enfin savoir, lui, c'est qu'il doit y avoir un secret qui permet, quand on le sait, de décider de la vie et de la mort, c'est ça, le plus terrible, disait-elle, c'est qu'il y a un grand secret. Et ce grand secret, c'est ce qu'elle me disait pour finir, ou bien je ne le saurai jamais, ou bien je ferai comme a fait mon père.

- Elle a fait comme lui ?

- Un soir je suis rentrée, elle n'était donc plus là, elle n'avait rien laissé. Elle est je ne sais plus où, du côté du Midi, elle a une grande agence immobilière, avec une clientèle très riche, elle avait appris l'anglais, elle aussi, une fille tellement intelligente, et tellement belle. Et j'attends, je sais qu'elle reviendra, elle, qu'elle reviendra le jour où de nouveau elle aura besoin de moi, besoin de ma voix, tous les soirs il la lui fallait, elle l'appelait sa douche musicale. Monsieur Maxime, vous buvez trop...

- Et vous, au fait, votre café, la nouvelle marque ?

- Mon cher monsieur Maxime, il y a humer, et puis il y a déguster. La plupart des gens font les deux à la fois, moi jamais. Mon café est passé, je continue à humer, sans déguster encore, humer seulement. Vous croyez que je pourrais les raconter, ces histoires-là, Flore, et Denise, si je n'étais pas en train de humer en même temps cet arôme, et le plus souvent, si vous pouviez voir, j'ai les yeux fermés. Ce nouveau café, ce que je peux déjà vous dire, au nez, c'est qu'il promet d'être en effet extra, très fort, trop peut-être. Au palais, je vous le dirai quand j'aurai dégusté, patientez donc encore un tout petit peu. Pour déguster un café, cher monsieur Maxime, il y a aussi un grand secret. Encore chaud, trop tôt, déjà froid, trop tard...

- Je n'ai plus le temps, Clarelle, j'ai un travail à terminer...

- Et moi j'ai quelque chose à vous demander, tout de même. Votre choc, hier, quand je vous ai dit mon nom, pourquoi un choc pareil ?

- Clarelle...

- Monsieur Maxime...

- C'est vous que je veux entendre, moi, c'est votre voix...


- Pourquoi ce choc...

- Mais je ne suis pas quelqu'un qui parle...

- Vous me le dites en deux mots, je vous écoute, et ne raccrochez pas, sinon...

- Soit. Il y a combien, j'avais dix-huit ans, j'étais étudiant, en province, j'entre un jour dans une boulangerie et la fille me dit : monsieur, vous désirez ? Je n'ai pas répondu. Elle avait une voix, "monsieur, vous désirez", une voix, oui, comme dit Flore, la musique, la. Je suis revenu, et dix fois par jour, "monsieur, vous désirez", les dix fois je lui donnais rancard, un soir elle était là. Mon premier amour, mon seul, après tout, j'avais dix-huit ans, elle était blonde, elle, à croquer, elle avait des miches, ma petite boulangère, à ne pas se pardonner de n'avoir qu'une bouche, et surtout elle avait cette voix, d'une pureté, d'une gaieté, je l'aurais écoutée une éternité. On était heureux, nous aussi, et puis un soir, elle me dit, elle tremblait, qu'elle avait parlé de moi à ses parents. On est jeune, on croit aux grandes choses, on croit même qu'on sera de ces quelques-uns qui les feront, bref, me marier, à dix-huit ans, et passer ma vie à me dorer la brioche, les pieds dans des chaussons aux pommes, ça, ma douce, ça, monsieur ne désirait pas. Le rancard suivant, je n'y suis pas allé, et ce rendez-vous-là, c'est celui qui me revient toujours.

- Et quel rapport avec mon nom ?

- Elle s'appelait Clarisse. Et des choses comme ça, qui d'un coup vous sautent au colback, c'est depuis quelque temps tous les jours, le diabète de Vivien, l'erreur au téléphone, les histoires que vous me racontez. Ce secret, dont Flore vous parlait, vous y croyez, vous, au grand secret ?

- Monsieur Maxime, elle refusait d'admettre une chose, Flore, et pourtant je la lui ai dite cent fois. Ceux qui revenaient des camps, c'est vrai que c'était en eux comme s'il y avait eu un secret, je ne dirai même pas que ce n'était pas le grand, je dirai simplement que ce qu'il pouvait être, ce grand secret, chez eux ça tenait tout de même à l'autre, au secret de là-bas. Je l'ai tellement vu avec maman, et comme elle aimait parler, elle aussi, quand certains jours elle se taisait, des heures durant, des heures, sans plus s'occuper de nous, c'était encore plus incompréhensible, monsieur Maxime, encore plus terrible...

- Votre mère aussi avait fait les camps ?

- Pas tous, monsieur Maxime, un seul, je ne vous l'avais pas dit ? Et c'est d'ailleurs là que je suis née.

- Vous êtes née où, dans un camp, lequel ?

- Auschwitz.

- Quoi ?

- Excusez-moi, je n'y suis pour rien, c'est ce nom-là lui-même, Auschwitz, qui gazouille.

- Ecoutez, Clarelle, là, j'ai mon papier à terminer, le journal l'attend, j'aurais dû le remettre aujourd'hui...

- Vous écrivez dans un journal ?

- Mais demain, Clarelle, vous n'y coupez pas, c'est votre histoire, demain, la vôtre...

- A une condition, cher monsieur Maxime, que vous arrêtiez de boire.

- Let it drop, lady.

- Vous allez vous ruiner la santé, si vous ne faites rien.

- Une cure, si je la fais, ce sera la troisième, et je vais sans doute la faire, si je veux tenir encore un chouilla, Clarelle, à demain.


- A demain, monsieur Maxime, ne buvez pas trop... Mon café, zut, il est presque froid, tu ne sais plus ce que tu fais, ma fille, avec cet ivrogne... Une vulgarité, une hargne, et ce désarroi en même temps. Ce fils, ce diabète, il y a plus que ça, plus profond, son histoire à lui, j'aimerais la connaître... Oui, peut-être amer, ce café. Comme ce premier appel, ce premier vrai. A refaire... L'arôme, par contre, l'arôme, un vertige, ma Denise, et je me sentais, moi aussi, de plus en plus perdue... Et qu'est-ce qui te rend triste, ma fille, un monsieur qui boit en anglais ? Aucun doute, en français, tu parles mieux que lui. Et pourtant il écrit dans un journal, oui, va comprendre... Demain... Tu ne seras jamais qu'une toute petite personne... Ou bien c'est que tu es fatiguée, au lit, ma fille... Au lit toute seule...



Extrait ERREUR HUMAINE © Maurice Regnaut


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