erreur humaine

 

 



- Clarelle, bonsoir, lieu de naissance, Auschwitz, date ?

- Vous ne voulez pas savoir ce que j'ai pensé du café, hier, du vôtre ? Un peu amer, j'ai trouvé, mais il avait sans doute un peu trop refroidi. On fera un autre essai, mais une autre fois, j'ai préféré ne pas prendre de risque, ce soir, j'ai repris ma marque habituelle. Et je viens de mettre en marche, monsieur Maxime, mon café est parti, et son arôme, ah je le sens déjà à l'avance...

- Auschwitz, date ?

- Et votre papier, pour votre journal ?

- Date, Clarelle, date ?

- Vivien, monsieur Maxime, comment va-t-il ?

- C'est de vous qu'on parle, ce soir, de vous, non ?

- Monsieur Maxime, un homme comme vous qui boit comme vous buvez, ça fait tellement de peine. Excusez-moi, j'ai l'impression que ce soir, vous n'avez plus tout à fait vos esprits...

- Mes esprits, je ne les ai que trop, mais comme vous voulez, après tout, au point où j'en suis, je rappellerai demain...

- Je n'ai pas dit ça, monsieur Maxime, essayez simplement de ne pas boire au téléphone, vous y arrivez bien au bureau, ce serait tellement mieux pour tout le monde.

- She said. Clarelle, date de naissance ?

- 11 mai 1945...

- 11 mai, je suis né un 11 juin.

- C'est la date qui est sur ma carte d'identité, 11 mai 1945, mais cette date-là est fausse.

- Alors la vraie ?

- Maman, avant son retour, avait en tête une première date, le 19 mars 1945, mais elle avait aussi en tête une deuxième, le 27 janvier 1945, et ce qu'il y avait eu ce jour-là, le 27 janvier, longtemps elle l'avait su, et puis un jour elle l'avait oublié, c'est alors que tout avait commencé. Les deux dates, elle s'en souvenait bien, mais de plus en plus elle hésitait, elle se demandait, ce 27 janvier, si cette date était celle de ma naissance ou si ce n'était pas celle de cette chose qu'elle avait oubliée, elle ne savait plus, ma pauvre maman, et pour finir, c'est ce qu'elle a expliqué à l'employé de l'état-civil, à la mairie, elle était incapable de dire, du 27 janvier ou du 19 mars, laquelle était la date de quoi, laquelle en somme était la bonne. Alors qu'est-ce qu'on fait, a dit l'employé. Maman a répondu qu'il n'y avait qu'à mettre une troisième date et qu'elle en avait une, le 11 mai 1945. Il a souri, il lui a rappelé ce qu'elle avait elle-même déclaré, qu'elle était déjà enceinte au moment de son arrestation, il lui a donc fait remarquer que sa grossesse en ce cas-là aurait duré dans les treize mois. Maman lui a dit que le temps là-bas était tellement long et qu'elle en avait tellement vu, d'un seul coup il a haussé le ton : ou la première, ou la deuxième, vous choisissez. Maman lui a dit : cher monsieur, choisissez vous-même. Il l'a regardée, il s'est pris la tête à deux mains, paraît-il, et puis il a fait : on met la troisième.

- Elle a été arrêtée, pourquoi ?

- On les avait dénoncés, maman et mon père. Mon père, maman dans sa chambre avait une photo, ils étaient tous les deux, c'était comme un rêve, il est mort là-bas, mon père, maman elle-même l'avait à peine connu, ils n'étaient pas encore mariés.

- Ils étaient quoi, juifs, résistants ?

- Ni l'un ni l'autre, monsieur Maxime. Beaucoup de journaux avaient parlé, photos à l'appui, paraît-il, de ces jeunes que l'armée allemande enrôlait, à la fin, des jeunes qui avaient tout juste seize ans, et maman, à une réunion pour les enfants pauvres, elle s'en occupait déjà, dans son quartier, maman avait dit qu'aucun doute, Hitler était le dernier des criminels. Le lendemain, maman et mon père, on les a interrogés, des Français, maman, elle non plus ne savait pas mentir, maman a tout reconnu, elle leur a dit que tuer les autres et les enfants des autres, c'était déjà abominable, mais que ça, ce qu'Hitler faisait, envoyer à la mort ses propres enfants, c'était vraiment, ça, le dernier des crimes.

- Etre enceinte, à Auschwitz, mettre au monde un enfant, à Auschwitz, expliquez-moi comment.

- Si maman, elle, a survécu, si elle a pu alors me mettre au monde, elle me l'a dit cent fois, elle doit tout à un homme, un seul, Adolphe.

- Adolphe ?

- Celui qui dirigeait, qui organisait, qui était leur chef, à tous comme à toutes, et depuis 1933.

- Leur chef, et depuis 1933, pour moi il n'y en avait qu'un, d'Adophe, un qui s'appelait Adolphe Hitler.

- Et pour maman aussi il n'y en avait qu'un, monsieur Maxime, le sien, celui d'Auschwitz. Les prisons, les camps, il avait tout fait, Adolphe, depuis 1933. Maman le vénérait, et lui, il l'aimait bien, maman, longtemps il l'a fait rester à l'infirmerie, ensuite il l'a cachée, avec quelques autres, dans un petit réduit que personne ne connaissait, sauf lui, Adolphe, et c'est grâce à lui si maman, comme d'ailleurs beaucoup d'autres, est finalement passée à travers tout, le docteur Mengele, les SS, les kapos, les triangles verts, cent fois maman m'a raconté, monsieur Maxime, excusez-moi, mais cet arôme, il est toujours aussi puissant, cet arôme, j'ai la tête comme une boule de soie...

- Auschwitz.

- Auschwitz, maman parlait aussi d'autres camps, à côté du leur, je ne sais plus les noms, c'était toujours Auschwitz. Ce café, c'est vrai, il est exceptionnel, de plus en plus je tremble pour le vôtre...

- Auschwitz.

- Auschwitz, oui, c'était dur, très dur, monsieur Maxime, en même temps c'est là-bas que maman, peut-être, aura été la plus heureuse, et pour une raison que seule peut-être une femme pourrait deviner. Monsieur Maxime, on ne sait jamais, vos cheveux, ils sont frisés ?

- Frisés, mes cheveux, ça non, pourquoi ?

- Ne pas avoir les cheveux frisés, c'était son grand regret, depuis toute petite fille, à maman, quelqu'un un jour lui avait assuré qu'il y avait un moyen, tu te rases complètement la tête et tes cheveux repousseront frisés, mais jamais elle n'avait eu le courage, et voilà-t-il pas qu'une des premières choses, à l'arrivée au camp, on lui rase le crâne, à maman, son coeur a bondi de joie, elle regardait ses cheveux tomber par gros paquets, mais frisés, frisés, elle n'avait que cette idée, ils allaient repousser frisés. Et jusqu'au bout elle y a cru, monsieur Maxime, et c'est peut-être une chose au fond qui l'a aussi soutenue, oui, jusqu'à la libération elle a connu en secret un bonheur, c'est vrai, comme de sa vie elle n'aura connu un pareil.

- La libération, ç'a été la fête, j'imagine, non ?

- Décidément, monsieur Maxime, quelle que soit l'histoire, il n'y a que la fin qui vous intéresse. La libération, celle du camp de maman, du camp des femmes, où il y avait leur infirmerie, elle a duré un bon bout de temps, leur libération, et vous avez de la chance, monsieur Maxime, je peux même vous la raconter jour par jour, cette période-là, c'est celle que maman avait le plus en tête, celle aussi, là-bas, qui a été la plus terrible. Il y avait eu les premiers coups de canon, au loin, tout le monde savait que cette fois, c'était la bonne, que bientôt les Russes allaient être là. Une nuit, le docteur Mengele était venu donner l'ordre, évacuer le camp, et le docteur Mengele à peine reparti, les malades, pour se faire des vêtements, se sont mises toutes à découper leurs couvertures. Le jour suivant, dans la neige et le froid, les SS en ont fait évacuer une partie et puis d'un seul coup, plus personne, ils avaient refermé le portail du camp et disparu. Le jour suivant, toujours personne, il a fallu prendre en main le camp abandonné, et c'est alors qu'elles ont pu le voir, le camp, dans toute son épouvante, elles ont transporté les cadavres, elles ont fait l'appel, un peu plus de trois mille avec les médecins, elles ont distribué la soupe, une eau chaude, il n'y avait plus de pain, et le soir, les explosions ont commencé, dans les camps à côté, tous les fours crématoires brûlaient, un incendie qui a duré jusqu'au matin du jour suivant. Plus d'eau d'ailleurs, le jour suivant, l'eau avait été coupée, elles ont fait fondre alors la neige, d'énormes quantités, pour nettoyer les malades les plus sales, celles surtout qui avaient la diarrhée, et tout cela au milieu du désordre, il n'y avait plus de discipline, les femmes se disputaient entre elles et criaient, et puis l'après-midi, il y a eu le canon, à distance, mais qui n'a plus cessé. Et puis le jour suivant, les SS, d'un coup, les SS, qui revenaient chercher toutes les aryennes, pas une ne bouge, ils repartent, et cette fois, ils laissent le portail du camp tout grand ouvert, toutes se précipitent, toutes veulent le franchir, libres, elles sont libres, pas une pourtant ne serait partie à l'aventure, elles sont toutes rentrées, et le grondement du canon s'était rapproché. Le jour suivant, c'est comme une traînée de poudre, on apprend que quelqu'un a trouvé des magasins pleins de vivres et de vêtements, à moins d'un kilomètre, et c'est le pillage, et jour et nuit, les jours suivants, les malades y couraient, beaucoup revenaient tellement chargées de leurs baluchons qu'elles s'effondraient, mortes, beaucoup aussi mouraient d'avoir simplement trop mangé... Monsieur Maxime, vous ne devineriez pas ce que j'ai trouvé, ici, tout près de chez moi, un acacia, monsieur Maxime, un acacia et qui sent, mais il ne durera plus longtemps, vous devriez passer le voir, monsieur Maxime, cet arbre, avec ses flopées de grappes de fleurs, c'est comme s'il avait une chevelure toute pleine de bigoudis jaunes...

- La fin d'Auschwitz.

- La fin d'Auschwitz, un jour suivant, je m'y perds un peu, monsieur Maxime, oui, les SS, de nouveau les SS, tout un groupe avec des triangles verts, c'est l'affolement, toutes les femmes se sauvent et se cachent partout, les SS veulent les Juives, à cor et à cri ils réclament les Juives, ils n'en emmèneront que quelques dizaines, qu'une responsable avait trahies, une Polonaise, elles les avait réunies en leur disant on n'a jamais su quoi, c'était pour les livrer. Mais le canon était tout proche, et tout le monde attendait, dans le froid, dans la pagaille, il y a eu comme ça, si je ne me trompe pas, trois jours encore et trois nuits d'attente, et puis un matin, Adolphe entre et dit la nouvelle, il vient de voir des Russes au portail du camp, toutes y courent, il y avait deux soldats, pleins de boue et pleins de barbe, elles se sont jetées à leur cou, c'était fini, monsieur Maxime, fini, c'était pour elles toutes, enfin, la libération. Et les Russes, maman en était sûre, elle avait accouché, c'était après leur arrivée, et même, un mois plus tard, un mois ou deux, le grand froid en tout cas était passé, les Russes avaient fait des obsèques grandioses à toutes les victimes d'Auschwitz, mais là, si c'était avant ou après ma naissance, elle ne savait plus, ma pauvre maman.

- 11 mai 1945, ce n'est donc pas ça, votre date de naissance, il ne fait plus froid du tout, au mois de mai, il n'y a plus du tout de neige...


- Une date de naissance, au fond c'est comme leur numéro, monsieur Maxime, leur numéro matricule, et c'est même aussi la première chose qu'on leur donnait, à l'arrivée au camp, ce numéro, qu'on leur inscrivait sur le bras, maman, dès son retour chez elle, avait fait brûler le sien, mais là-bas, au camp, à chaque appel elle l'avait oublié, son numéro, elle n'a jamais pu l'apprendre par coeur.

- Anarchiste, c'est ça ?

- Maman ? Elle était polisseuse. Vous l'auriez vue, au milieu de ses petits instruments, sa meule, ses limes, ses poudres surtout, ses potées, on serait restées des heures, Denise et moi, à la regarder et je frotte et je frotte, elle avait les yeux tout congestionnés, à force de travailler à la loupe et sous la lumière électrique, le jour comme la nuit, mais quand elle avait terminé, une bague, une broche, un bracelet en or, aucun doute, une fois que maman avait poli, monsieur Maxime, c'était vraiment comme un soleil, mais un soleil qui plus jamais n'aurait à se coucher. Le polissage, quel beau métier, c'est celui que j'aurais fait, moi aussi, mais maman était morte.

- Maladie ?

- Au camp, là-bas, on avait toujours pris soin d'elle, c'est vrai, on avait toujours déniché quelque chose, pour elle, et pas seulement Adolphe, toutes celles aussi qu'Adolphe avait mises au courant, celles qui étaient sûres, avec interdiction à maman de ne jamais rien dire aux autres, et d'ailleurs ça se voyait si peu, paraît-il, qu'elle était enceinte, sauf à la toute fin, ce qui fait que l'enfant de maman, pour toutes celles d'Adolphe, c'était devenu comme leur propre affaire, et maman racontait si bien les histoires, avec sa voix qui chantait si doucement, même celles qui ne pouvaient rien comprendre, elles l'écoutaient toutes, mais tout de même, une grossesse à Auschwitz, elle en était revenue épuisée, à bout de réserves. Et pourtant tout de suite elle s'était remise à travailler, à s'occuper des enfants, dans son quartier, les enfants, c'était sa passion, au moins elle en a eu, elle, et puis elle a pris Denise, elle s'est peu à peu complètement usée, elle s'est éteinte une nuit sans plus de façon. Cette nuit-là, Denise et moi, on la secouait, maman, maman, elle ne nous reconnaissait même plus, elle était là, maman, sans bouger, dans son lit, couchée sur son côté gauche, elle était toute blême, une fois de plus Denise avait dit : maman, alors elle s'est tournée, elle a dit : c'est toi, ma Denise, et d'un coup son visage est devenu tout rose, tout empourpré, elle avait un sourire, elle est restée un temps comme ça, elle était belle, on la regardait sans plus rien dire, et sa bouche s'est ouverte et son regard est devenu tout vide, on s'est remises à l'appeler, à la secouer, mais plus rien, plus rien, monsieur Maxime, et moi, et c'était la toute première fois, je suis partie à rire, à rire comme une folle, et plus je riais, plus Denise pleurait et criait, on était dans les bras l'une de l'autre, au bas du lit, tous les voisins pendant tout ce temps qui sonnaient et cognaient, je ne sais même plus comment j'ai fini par entendre.

- Après, c'est le tuteur, qui s'appelait ?

- Zébédée, monsieur Zébédée. Excusez-moi, monsieur Maxime, c'est le moment de ma dégustation, aujourd'hui je n'aimerais pas le manquer, monsieur Maxime, deux secondes, pas plus.

- Il y a boire et boire, si je comprends bien, non ?


- Cher monsieur Maxime, un café comme ça...

- Zébédée, j'écoute.

- Même en abrégeant, ça va être long, vous m'accordez encore deux gorgées.

- She drives me crazy...

- A la Grand-Voile, c'était son nom, à la villa de monsieur Zébédée, elle était au fond d'un grand parc, il n'y avait que des villas, les unes plus grosses et plus belles que les autres, juste au bord de la mer, sur la Côte, je ne sais plus le nom de la ville, il faisait beau tout le temps, l'eau était toute bleue et les roches toutes rouges. C'était un ancien officier de marine, monsieur Zébédée, et c'est vrai, pas devant, mais derrière, sa villa ressemblait à un bateau. Devant, c'était donc la façade, avec le perron au milieu et le garage sur la droite, mais derrière, il y avait deux terrasses, une petite au premier étage, une autre grande au rez-de-chaussée et qui faisait presque tout le tour, et comme le terrain descendait, le rez-de-chaussée derrière arrivait en surplomb, au-dessus d'un immense jardin, et c'est vrai aussi, monsieur Zébédée, quand il était là-haut, tout seul, grand et tout sec, une main à la balustrade, il avait l'air d'être sur son bateau, en pleine mer, debout à son poste de commandement. Tous les jours monsieur Zébédée, avec sa carabine à plombs, restait des heures là, à l'affût du moindre pigeon qui avait le malheur de se poser sur un de ses arbres, et je me souviens du jour, les premiers temps, où Denise et moi, on venait de ramasser les pauvres pigeons morts et de mettre le sac dans la poubelle, on va s'asseoir à la grande table, au milieu du jardin, on n'était pas assises qu'on entend hurler : là-bas ! C'était lui, monsieur Zébédée, à la terrasse, là-haut, le bras tendu et le doigt pointé, qui nous indiquait l'autre table, la petite : là-bas ! La grande était pour eux ou pour tous ensemble, et Denise et moi, quand on était toutes seules, on n'avait droit qu'à la petite table, sous le figuier. L'ordre, c'était l'ordre, et c'était lui qui commandait, à la Grand-Voile, et lui seul, monsieur Zébédée.

- Marié ?

- Sa femme, c'était madame Palmyre, ils avaient un grand fils, dans les trente ans, qui travaillait dans je ne sais plus quel ministère, à Paris. Madame Palmyre, on ne l'aimait guère, Denise et moi, on aurait dû tous les matins pourtant lui dire merci, l'école à pied était presque à une demi-heure et tous les matins madame Palmyre estimait qu'on était assez grandes pour marcher, mais à peine avait-elle donné son avis que monsieur Zébédée, à moins d'être malade, exprès nous emmenait à l'école en voiture. A vrai dire, le grand sujet de dispute entre eux, depuis qu'ils étaient là, à la Grand-Voile, et ça faisait déjà cinq ou six ans, c'était les oiseaux, ceux qu'on entendait sans arrêt crier, le long de la mer et sur le parc, madame Palmyre affirmait que c'était des goélands, monsieur Zébédée répliquait que les goélands, c'était chez eux, en Bretagne, et qu'ici, sur la Côte, on ne connaissait que des mouettes rieuses, et madame Palmyre reprenait : c'est des goélands, et monsieur Zébédée explosait. Ou bien madame Palmyre alors ne bougeait pas de son canapé, et monsieur Zébédée montait se calmer dans sa chambre, à cause de la femme de ménage, ou bien madame Palmyre sortait, traversait le jardin, monsieur Zébédée à ses trousses, ils s'enfermaient dans la gloriette et là, goélands d'un côté, mouettes rieuses de l'autre, c'était la folie furieuse, monsieur Zébédée cassait tout, les bouteilles, les verres, les vases, les objets précieux, c'était comme ça tous les trois mois ou tous les quatre, il fallait tout racheter.

- La gloriette ?

- Je ne vous l'avais pas dit, c'est ce qu'ils avaient fait construire, eux, au fond du jardin, une petite dépendance, avec un beau salon, qu'ils appelaient la gloriette. Une fois par an leur fils venait, mais pour un week-end, pas plus, il n'y avait donc pas la femme de ménage, et tout se passait alors à l'intérieur de la villa, entre son père et lui, à propos toujours des mêmes questions d'argent, le fils voulait des avances sur son héritage, et le fils, monsieur Maxime, c'était tout le père, oui, le même caractère, aussi autoritaire, aussi têtu, aussi violent, et tout le dimanche on les entendait tous les deux qui vociféraient, qui se traitaient de tous les noms, plus personne ne s'occupait de nous, Denise et moi, madame Palmyre n'arrêtait pas d'exciter le fils contre le père, l'un quittait une pièce, l'autre le suivait, le père grimpait dans son étage et l'autre aussitôt se précipitait, ce qui fait qu'une fois par an, dans toute la villa, et même au sous-sol, c'était le saccage. Et puis il y a eu ce dimanche où les deux hommes, justement, se sont poursuivis jusque dans la gloriette, et se battre, on le pouvait comme nulle part ailleurs, dans cette gloriette, avec tout ce qui servait au cercle, et nous, toutes les trois, madame Palmyre n'avait même pas osé entrer, elle était revenue auprès de nous, on écoutait, nous, depuis la villa, on attendait. On les a vus enfin sortir, monsieur Zébédée à plat ventre, il rampait, les deux mains en sang, vous auriez vu le sol de la gloriette, ce n'était partout que débris de verre, et le fils, lui, son costume en lambeaux, grimaçait en se tenant les côtes, deux étaient cassées, il n'est reparti que la semaine suivante, on ne l'a jamais revu.

- Ce qui servait au cercle, quel cercle ?


- Le cercle des intimes, qui se retrouvaient une fois par mois, en principe, le dimanche. En fin d'après-midi les deux couples arrivaient ensemble, un premier couple assez âgé, qui s'occupait de la bibliothèque, dans une autre ville, assez loin, mais je ne sais plus laquelle, un second couple encore jeune, celui-là, qui tenait un magasin de disques, dans cette autre ville, un couple d'ailleurs qui a divorcé, l'année avant mon départ, le monsieur ensuite venait seul, et vers la fin il n'est plus venu du tout. C'était donc eux, le cercle, avec bien sûr monsieur Zébédée et madame Palmyre, et Denise et moi, et le plus souvent un jeune homme de la plage, une fois j'ai même pu en amener deux, mais parfois je demandais à je ne sais combien, pas un ne se décidait, et monsieur Zébédée alors s'impatientait, dans la voiture, il commençait à klaxonner. Ces garçons, tous, leur réaction, dans un premier temps, c'était toujours de me regarder en rigolant, c'est vrai que je ne savais pas nager, mais rester à rien faire au soleil, ça m'ennuyait, ce qui fait que j'allais dans l'eau avec aux bras mes deux petits ailerons roses gonflables, vous voyez d'ici, n'empêche que dans un deuxième temps, quand je m'entêtais à demander, tous changeaient de tête et commençaient à bafouiller, j'étais déjà assez mignonne, en maillot de bain surtout, j'ai d'ailleurs été femme très tôt, juste après la mort de maman, je n'avais même pas besoin de leur bronzage, moi, j'ai la peau couleur de miel clair...

- Vous leur demandiez quoi, à ces garçons ?

- Vous pouvez le deviner, monsieur Maxime, et vous devinerez aussi ce que c'était pour moi d'avoir à mon âge, une fois par mois, un tout jeune.

- Ordinairement, vous couchiez avec qui ?

- Coucher, pas tout à fait, monsieur Maxime, une fois que c'était fini, on regagnait aussitôt la chambre. On avait la nôtre au sous-sol, Denise et moi, madame Palmyre au rez-de-chaussée et monsieur Zébédée à l'étage. Avec madame Palmyre, heureusement que ce n'était pas souvent, c'était une telle épreuve, avec elle. Il y avait des photos un peu partout dans la villa, elle et lui jeunes, sur des bateaux tout en acier, elle d'ailleurs nettement plus jeune que lui, à l'époque des photos, elle avait dû être jolie, avant, mais elle était devenue tellement laide, toute grasse, avec des jambes toutes enflées, toutes veinées, on aurait dit deux pleins bocaux de roquefort, et puis c'était si long, avec elle, si long, ça n'était drôle qu'à la toute fin, quand elle commençait à s'envoler, elle me disait : dis-le, Clarelle, dis que c'est des goélands, dis-le, aussi vite je faisais : des goélands, madame Palmyre, des goélands, des goélands, des goélands, et si dehors c'était peut-être des mouettes rieuses, ce qu'on entendait sortir alors de la bouche de madame Palmyre, aucun doute, ça ne pouvait être en effet que des goélands.

- Le cercle, racontez.

- Il y avait la cheminée avec du feu, même en été, il y avait les kimonos pour les dames, les tuniques pour Denise et moi, il y avait les choses à boire, à base de jus de fruits, les messieurs se préparaient eux-mêmes leurs mélanges, avec leurs poudres, il y avait toutes les choses à manger, des choses que depuis je n'ai jamais pu m'offrir, comme du caviar, monsieur Maxime, du vrai caviar, le jeune couple s'en procurait grâce à des amis russes, il y avait la musique, il y avait la lecture, les messieurs lisaient les livres nouveaux, des extraits, les dames lisaient les autres livres, ceux qui étaient déjà dans la gloriette, et la lecture pouvait durer une heure, il y avait enfin la séance...

- Les livres, c'était quoi ?

- C'était tous la même chose, monsieur Maxime, avec des descriptions, avec des leçons, c'était un peu comme à l'école, et pendant la lecture, il y avait déjà ce que l'un ou l'autre nous demandait, mais madame Palmyre n'aimait plus que les femmes, alors elle se mettait d'un seul coup à pleurer, dans son coin, sans rien dire.

- Et la séance ?

- Les hommes à leur tour se déshabillaient complètement, sauf monsieur Zébédée et le monsieur âgé qui gardaient toujours leur chemise et, vous auriez vu, leurs chaussettes, mais là aussi, monsieur Maxime, c'était toujours la même chose, il y avait d'abord les nouvelles méthodes, que les couples apportaient, que les uns ou les autres essayaient, sauf monsieur Zébédée, il n'en connaissait qu'une, lui, mais je ne vais pas vous raconter tout ça, monsieur Maxime...

- Clarelle, il n'y a qu'une chose, avec votre histoire...

- Vous avez des doutes, vous aussi, oui, j'entends ça à votre voix, vous aviez la même pour Adolphe...

- Ecoutez, vous aviez quel âge, vous et Denise, entre ce qu'on vit et ce qu'on se raconte, à treize ans faire la différence...

- Comme l'instituteur, comme la dame de Paris, vous croyez que j'invente, vous aussi. Ma Denise, elle était tellement timide, monsieur Maxime, elle n'aurait jamais pu en souffler même l'ombre d'un mot, mais de plus en plus ce qu'elle devenait, j'en avais tellement de peine, un jour, à la récréation, j'ai parlé, moi, à l'instituteur, j'ai commencé à tout lui dire, il a d'abord froncé les sourcils, ensuite il a souri, il m'a dit, avec l'accent qu'ils ont là-bas, que d'ailleurs j'avais pris, moi aussi, un tout petit peu, un mois après mon retour c'était fini, un accent que jamais je n'ai pu supporter et même aujourd'hui, dans mon supermarché, quand j'ai un client qui parle avec cet accent du Midi, j'ai de nouveau l'impression d'entendre une chèvre qui bêle en accéléré, et l'instituteur alors m'a dit : c'est très bien, ma belle Clarelle, c'est très bien, puis il m'a tapoté la tête et m'a plantée là. La dame de Paris, elle, je l'appelle toujours comme ça, je ne l'ai pas oublié, son passage à la Grand-Voile, elle est venue une fois, la troisième année, et Denise a posé les rafraîchissements, j'ai demandé à la dame alors si je pouvais, moi aussi, l'entretenir de cette éducation que monsieur Zébédée et madame Palmyre nous donnaient, à Denise et moi, et je me suis donc mise à parler. J'en étais à lui raconter ce que les trois hommes faisaient, avec moi, madame Palmyre a crié : Zébédée ! La dame a regardé monsieur Zébédée, il n'a pas desserré les dents. J'ai continué, j'ai parlé de Denise, et Denise aussitôt s'est sauvée, et j'ai raconté, comme elle était encore trop jeune, de quelle façon les hommes procédaient, avec elle, et madame Palmyre a de nouveau crié : Zébédée ! La dame a de nouveau regardé monsieur Zébédée, il fixait droit devant lui, sans un mot, sans un geste. J'ai continué, j'ai à peine eu le temps de dire que Denise et moi, ils nous mettaient des chaînes, ils prenaient les fouets de cuir, madame Palmyre en gesticulant sur sa chaise a hurlé : mais fais-la taire, Zébédée, fais-la taire ! Monsieur Zébédée, madame Palmyre, la dame les regardait, elle s'était levée. Et j'allais continuer quand madame Palmyre a culbuté par terre, et j'ai couru chercher les flacons, elle est revenue à elle, elle pleurait, elle tremblait, on l'a allongée sur son canapé, la dame voulait appeler le médecin, monsieur Zébédée a dit qu'il le ferait lui-même, si sa femme n'allait pas mieux. Avant de repartir, la dame m'a dit : ce n'est pas bien, ma petite, ce que vous venez de faire, pas bien du tout, et vous devriez avoir honte, ensuite elle a dit à monsieur Zébédée que ça me passerait sans doute plus tard, quand je serais mariée, il fallait du moins l'espérer, mais qu'en attendant, avec une imagination pareille, on ne sait jamais, il devait me surveiller, et de près.

- Cinq ans de Grand-Voile, et de gloriette, cinq ans de cercle, vous n'êtes jamais tombée enceinte ?


- Une fois. Monsieur Zébédée avait un ami docteur, je suis allée dans sa clinique et je ne me souviens que d'une seule chose, c'est que madame Palmyre aurait volontiers passé toutes ses journées et toutes ses nuits dans ma chambre, il y avait la télé. Quand ils avaient acheté, c'est ce qu'elle m'a raconté alors, quand ils étaient arrivés à la villa, madame Palmyre avait dit : d'accord, on l'appelle A la Grand-Voile, mais cette fois je veux la télé, monsieur Zébédée avait décidé : la radio et rien d'autre, et c'était d'ailleurs la radio du matin au soir, à la Grand-Voile, je ne vous l'avais pas dit, rien que de la grande musique. Et cette dispute-là, après la clinique, avait alors repris de plus belle, on avait eu droit pendant plusieurs mois à je veux la télé - la radio ou rien, et puis terminé, un beau jour, c'était de nouveau le vieux duo, madame Palmyre les goélands - monsieur Zébédée les mouettes rieuses.

- Et Denise ?


- Je suis partie, elle est restée encore trois ans, ma Denise, et toute seule, elle m'a tout raconté. Elle était devenue femme, à son tour, l'année après mon départ, et la première fois, au cercle, avec eux, la première fois qu'elle a eu du plaisir, l'horreur, monsieur Maxime, ç'a été l'horreur, pour elle, elle ne voulait plus rien, plus aller à l'école, plus manger, plus rien, elle a passé alors des mois à la clinique. Et puis à la Grand-Voile il y a eu le drame et tout a changé. Monsieur Zébédée, un dimanche, le jeune homme était sur Denise, il l'a donc frappé, mais frappé tellement fort, le jeune homme a eu tellement mal qu'il a hurlé, qu'il s'est relevé, qu'il a envoyé valdinguer monsieur Zébédée et lui, dans la chute, sa tête a cogné sur le coin d'une pierre de la cheminée. Il s'était rétabli, mais il n'était plus le même, et le cercle, et tout, c'est devenu d'un coup du passé, madame Palmyre s'était aussi vite acheté sa télé, elle passait sa vie devant et de temps en temps monsieur Zébédée lui disait : tu entends les oiseaux, c'est des goélands. Ma Denise, sa dernière année a été tranquille, à la Grand-Voile, il y a même eu ce jeune homme, à la plage, aussi timide qu'elle, il ne lui a jamais adressé la parole, elle l'aimait, mais c'était trop tard.

- Vous, Clarelle, vous, c'est au fond ce que je retiens, de tout ça, que vous puissiez, vous, en parler comme vous le faites...

- Cette éducation, vous croyez que c'est celle que j'aurais choisie, monsieur Maxime, si j'avais pu ? Mais je n'y suis pour rien, ce qu'il faut faire, je le fais, c'est tout, quoi que ça puisse être...

- Et vous avez tout traversé, le pire est pour vous comme le mieux, finalement rien n'en est resté, rien qui vous ait fait la moindre impression, de ce Zébédée...


- Si, monsieur Maxime, ses hémorroïdes. Il y a eu une période, il hurlait, dans son lit, à quatre pattes, les fesses en l'air, il fallait frotter avec des glaçons, et quand il n'y en avait plus, on prenait dans le congélateur, on appliquait des paquets de surgelés, ça le calmait, mais pour quelques heures, pas plus, en fin de compte il a décidé de se faire opérer. Cher monsieur Maxime, ce café, même quand il est froid...

- Clarelle, ce que je voulais dire...

- Votre whisky, monsieur Maxime, après tout je vous permets une gorgée, à moins que vous ne vouliez pas, mais une seule, pas plus.

- Thanks a lot, lady.

- Ne pas boire du tout, c'était tout de même vous demander trop. Monsieur Maxime, si je ne suis pas sourde, il y a gorgée et gorgée.

- Clarelle, qu'est-ce que c'est, pour vous, la sexualité ?

- Pour moi ? S'il y a une chose qui est bien la même pour tout le monde, monsieur Maxime, aucun doute, c'est celle-là.

- Ce qu'on peut vous objecter, c'est que la façon dont elle est vécue, elle ne l'est pas, elle, la même pour tout le monde, non ?

- Il peut y avoir trente-six moyens, comme au cercle, c'est vrai, mais c'est pour aboutir à quoi, tout ça, à cette chose pour tout le monde qui est bien la même, cher monsieur Maxime.

- Vous pensez donc, vous aussi, que rien, même les moyens, comme vous dites, rien n'a de sens, rien n'a d'importance ?

- Avant, si, mais après ? Même sa cravache, il marchait dessus sans même s'en rendre compte, après, monsieur Zébédée, ou bien il l'envoyait promener d'un coup de pied, plus rien, tout ça ne représentait plus rien.

- Clarelle, LE CHATEAU ET LA MER, c'est une histoire pour les enfants qu'un de mes amis avait écrite, il y a une dizaine d'années, et qui était très belle...

- Vous me la racontez ?

- Il y avait à chaque page une image, avec le texte, comme dans tous les ouvrages pour enfants...

- Vous me répétez le titre ?

- LE CHATEAU ET LA MER. Un enfant, loin, tout seul, au milieu du désert, rien que du sable. L'enfant tout près, dans le sable, un seau plein d'eau à côté de lui. Il se met à construire un château, aussitôt arrive, à l'horizon, la mer. Il élève les murailles, la mer avance au fur et à mesure. Il dresse les tours, l'une après l'autre, la mer avance toujours. Il façonne les créneaux, sans un répit la mer avance. Enfin il en est au donjon, la mer avance, avance, avance. Il va de plus en plus vite, afin de terminer avant que la mer soit là, plus il va vite, plus la mer se rapproche et monte. Le donjon entier est à peine debout que la mer s'abat, qu'elle emporte tout. Plus rien, plus de château, plus de mer non plus, de nouveau le désert, rien que du sable, et l'enfant loin, tout seul. Dernière page, l'enfant se remet à construire.

- Pauvre enfant, votre histoire est triste, monsieur Maxime.

- Les enfants l'ont beaucoup aimée, et lui, cet ami qui l'avait écrite, ça l'avait beaucoup amusé. Ce qu'il avait raconté, c'était, pour lui, l'acte sexuel. J'avais fait une note sur son petit bouquin, pour moi c'était ça aussi, mais c'était plus encore, LE CHATEAU ET LA MER, c'était tout. Tout ce qu'on fait, tout ce qu'on veut dans la vie, on le sait pourtant, qu'une fois qu'on l'a tout est fini, mais on s'acharne, on le voulait, on l'a eu, c'était ça, pour moi, toutes les réussites, toutes les plus belles heures, toutes les plus heureuses, même la vraie vie en somme, il en reste quoi, du sable, un désert, plus rien.

- Mais que voulez-vous qu'il en reste, cher monsieur Maxime, je vous l'ai déjà dit, la vie est à vivre et c'est tout, pourquoi est-ce qu'il devrait en rester quelque chose ?

- A quoi bon alors, à quoi bon attendre, une balle dans la tête et bye bye, si celle qui rit bien, c'est elle, vous avez raison, Clarelle, c'est la mort, celle qui rit la dernière.

- Cher monsieur Maxime, j'y ai réfléchi, je vais vous le dire, à vous, ce qu'il faudrait en effet, devant la mort, ce serait de pouvoir rire. Non pas rire comme je le fais, moi, c'est dans ma nature, en fait je ne ris pas, je ne sais pas pleurer, c'est tout, comme je ne sais pas mentir, mais rire vraiment, c'est ce qu'il faudrait, devant les morts, rire de bonheur, rire de reconnaissance. Ils sont venus au monde ici, avec nous, ils nous sont restés le plus longtemps possible, ils nous ont donné ce qu'ils étaient, ils nous ont aidés, ils ont même été heureux parfois avec nous, c'est rire, monsieur Maxime, rire non pas follement, non pas tout seul, mais rire avec les autres, avec ceux aussi qui les ont aimés, c'est rire qu'on devrait, quand ils meurent, rire de joie, oui, rire de tout coeur de les avoir connus, rire pour leur dire merci, quand ils s'en vont, merci pour tout, pour eux, pour leur visite, pour leur souvenir.

- Pour tout, merci pour tout, merci pour la lâcheté, la méchanceté, la monstruosité, merci pour l'abject, merci pour l'horrible, merci pour ce monde, il va y avoir quarante-neuf ans que j'y suis venu, en ce monde, et tout ce que j'y ai vu, tout ce que j'y ai vécu, tous les jours, partout, c'est chez tous le malheur, chez tous la honte, et chez tous le mensonge, et pourquoi avouer, et pourquoi tout dire, c'est vrai, tout dire ne change rien, n'a jamais changé et ne changera jamais rien à rien, rien à leur désespoir, à tous en ce monde, à tous, rien à leur fureur d'un coup sans raison, la plupart du temps rien à leur silence, à leur rêve de se tuer... A demain, Clarelle.

- Monsieur Maxime...

- Demain j'appelle, à demain... J'ai raccroché juste, un peu plus je déballais tout... Si ce Vivien me fait ce coup-là, ça sera l'autre alors, là, dans son tiroir, depuis le temps qu'il attend, tout chargé, mon tout noir, merci, comme dit cette folle, avec sa voix céleste, oui, merci pour tout, merci enfin, si jamais Vivien... mon Vivien...



Extrait ERREUR HUMAINE © Maurice Regnaut


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