Ecrit, comme en prémonition, la veille du Grand Départ

Mais où, Maurice, où sont ces nuits où tel un dieu tu dansais jusqu’à l’aube
Ces lectures infiniment profondes où ta voix caressait les étoiles
Où sont les questions posées aux étudiants
Et tes réponses solides au-dessus de nos têtes
Où, Maurice, les chevauchées du Grand Canyon
Les balades en forêts vosgiennes, torse large et nu, au milieu des arbres tes frères
Les plages d’Antibes, les pavés d’Avignon
Où, cette couleur dont tu peins tes poèmes
Et cette grande toile blanche pour y projeter nos cœurs devenus muets
Où sont, Maurice, ces heures passées à boire, à manger, à lire, à rire et puis à inventer
Entouré de celles grâce à qui nous sommes ? De celle enfin qui n’est plus mais cependant demeure.
Où donc, Maurice,
Si ce n’est en nous avec toi jusqu’à s’enivrer de silence et de mots
Et que reste-t-il, Maurice, si ce n’est pour toi toujours
Et pour elles toutes
Et pour elle seule
Rêvant d’avoir à vivre
Vivant d’avoir rêvé
Que reste-t-il si ce n’est
Pour toi toujours
A nous jamais
Bouche ouverte pour rire à tous les vents
Tes textes, poèmes, théâtre, romans, traductions et critiques
— les qualifier d’amour cela seul m’est possible —
Et que te reste-t-il
De nous à toi
A toi maintenant si désintéressé
De toi à nous
Que te reste-t-il
Maurice
Qu’une infinie liberté
Enfin acquise ?

François Wittersheim, 11 juin 2006