La pauvre lune

"Mais qui est-ce qui m'a fichu une gosse pareille ? Elle va bouger de là, oui ou non ?" Et c'est vrai que la lune, une nuit, tellement c'était beau, restait là, au-dessus de San Francisco, à regarder tout avec sa grosse tête ronde, au lieu de faire sa route à travers le ciel.

 

Si bien que sa mère en a eu assez. "Je m'en vais te faire y aller, moi, je te le garantis !" Et elle lui a donné une première gifle, une terrible, et la lune a eu la tête toute applatie d'un côté, on n'en voyait plus qu'une moitié. Et une deuxième, mais la lune avait eu le temps de se protéger avec ses bras, et sa tête avait complètement disparu. Et une troisième, toujours aussi terrible, et la lune a eu la tête toute aplatie de l'autre côté, on n'en voyait plus que l'autre moitié. "Allez, en route, grosse fainéante !" Et c'est depuis cette nuit-là que la lune, à travers le ciel, tantôt on en voit un quartier, tantôt rien, tantôt l'autre quartier. Mais elle, la pauvre lune, à cause de toutes ces gifles qu'elle a reçues de sa maman, elle est toujous très triste, et quand elle est toute seule, là-haut, toute ronde, on peut voir ses grosses larmes grises qui n'arrêtent pas de couler sur ses grosses joues.

©Maurice Regnaut