L'ingénieur Boa-Boa C'est elle, regarde, c'est la rue qui tourne le plus au monde !
Et tu te demandes sûrement qui est cet ingénieur qui a tracé une rue pareille, et tu t'imagines des tas de choses, et les unes plus folles que les autres ? Non, en fait, c'est tout simple. Il s'appelait Boé, cet ingénieur, c'était il y a très long- temps, et le jour où il devait tracer cette rue, il sort de chez lui et Jim, son voisin, lui dit comme chaque matin : "Bonjour, Boé. - Boé, pourquoi Boé, lui répond l'autre, je m'appelle Boa-Boa, tu le sais bien, Boa-Boa." Mais oui, tu l'as deviné, l'ingénieur était devenu subitement fou, il se prenait pour un serpent, pour un boa. Arrivé dans sa rue, en serpentant, évidemment, il commence à tracer un premier tournant. La femme qui habitait en face dit à Jim, son mari : "T'as vu ? Va voir." Le mari revient : "Ecoute, il fait boa-boa, on dirait qu'il aboie, il serait devenu un chien ?" Boa-Boa a continué à serpenter, et ce n'est qu'après le huitième tournant, tu peux compter, que les infirmiers sont venus le chercher pour l'emmener à l'asile. Il y vivait depuis, tranquille, il s'était allongé, allongé, il se prenait pour un boa de plus en plus long, quand les chefs, à l'asile, ont remarqué que la nuit, pour dormir, Boa-Boa s'enrou- lait sur lui-même, il se mettait en rond. " Boa-Boa, ont dit les chefs, mais vu comment il dort, y a du boulot pour lui !" Et chaque fois qu'il y avait, dans une ville, une rue à tracer en rond sur une place, on envoyait Boa-Boa dormir : tout le monde pouvait voir, au matin, une belle rue en rond sur la place. Il a travaillé très longtemps comme ça, en dormant, il était devenu presque immense, il a travaillé dans les plus grandes villes, et dans tous les pays, même en France, et la grande place en cercle autour de l'Arc de Triomphe, à Paris, c'est lui qui l'a faite, une grande nuit de pleine lune. Et qui est-ce qui passait par là, cette même nuit, Jim, son voisin de San Fancisco, Jim qui était de passage à Paris, et qui reconnaît qui, l'ingénieur Boé, aussi vite il passe un coup de fil à sa femme : "Ecoute, tu te rappelles Boé, l'ingénieur, je l'ai retrouvé, il est ici, et tu te rappelles aussi ce que je t'avais soutenu, eh bien j'avais raison, un chien, c'est ce qu'il était devenu, Boé, et c'est ce qu'il est resté, un chien, cette nuit je l'ai vu, une espèce de basset d'un long, mais d'un long tellement long, tu n'imagines pas à quel point il est long, même justement que je viens de le voir, c'était dans l'ombre, il se mordait la queue." ©Maurice Regnaut |