- ... oui, c'est moi, et le vent, depuis l'Infini 13, j'ai revu le vent qui n'arrêtait pas de prier, sur la mer, le vent ou qui d'autre, et la bicyclette, entrez, je ne rêvais pas, mais entrez donc, j'arrive, il n'y en a pas un, dans cet Infini 13, non, pas un que j'aurais pu aimer, pourquoi, ô pourquoi est-ce qu'ils m'ont raconté ma vie, ils savaient tout, pourtant, quelle est cette voix, maintenant, cette voix qui manque, et je ne dors pas, je suis ici, la nuit battait si fort, rien ne pouvait continuer, rien, rien, ne riez pas, ce que je voudrais, c'est simplement chanter, le reste n'est plus qu'un miracle, et le monde était beau, je viens de leur Infini, moi, ce que je voudrais, c'est qu'à nouveau il fasse tout noir, bonne nuit soleil, je suis chez vous, trouvez-moi un écran, trouvez, vous m'entendez, ce que je veux, c'est ne plus être seule, alors disparaissez, la vie est trop vieille, et par ma...

- ... elle, ils l'ont eue, elle leur a dit oui, il m'aurait fallu, à moi, je ne sais plus, et sa mère, et sa mère, et sa mère encore, c'était ça, le reviens, le seul que je ne voulais pas, des ennemis, si seulement elle en avait eu, des ennemis, des vrais, pas tous ceux avec ces je t'aime qui ne leur sortaient que par les yeux, mais quoi, oui, tu as entendu, ne va pas mentir, comme si le monde était monde, elle n'est plus là, il y en a tous les matins qui se badigeonnent les seins en bleu, qu'est-ce qui pourrait se passer, dis-moi, là où elle est, pose-le, toi aussi, ton c'était, pose-le et vide-le, ma belle que tu es, qu'est-ce que tu veux encore attendre, on dit que pourquoi pas, mais que mettre à feu leur Merveille, il n'y a jamais eu, jamais moyen, je n'ai plus qu'à l'éteindre, elle, et qu'à l'oublier, vitrine à vitrine, elle ne m'entendra plus, là où elle est, rien ne peut...

- ... Infini 13, mais toujours ce silence, oui, moi, c'est moi, ne regardez pas comme ça mes mots, pas vous, la lumière, elle aussi, elle a mal, ce n'est pas vous que j'écoutais, là-bas, pas vous, un jour, j'ai peur, il y avait un air où vivre, un jour, ne fouillez pas dans mes forêts, ma danse toute verte, ma danse sacrée, il y avait partout plus qu'une musique, là-bas, c'était au pays des oiseaux, l'aile la plus légère, on ne sait plus laquelle, a pour finir traversé tout l'espace, ils l'ont jugée, et condamnée, appelez ma mère, elle a tellement souffert, vous, je ne dirai rien, vous, mais ressuscitez-la, vos yeux sont incolores, et mes photos, ne les mangez pas, je suis chez vous, je sais, comment faire ici pour qu'il y ait tout le monde, et qu'il n'y ait pour moi personne, ne cherchez pas, je ne changerai rien, j'attendrai tout le temps qu'il faut à la nuit, mon éternité, je l'ai dans mon vieux sac, oui, c'est pour mon bien, je sais, mais laissez-moi, par pitié, laissez-moi me souvenir de mon âme, il y avait...

- ... manger, même si elle revoulait, je les vois, les goûte, et les ça aussi, et les juste encore un petit peu, mais je les abomine autour d'elle, on m'avait prévenue, 11, ils ont été 11 à les voir tomber, les deux montagnes noires, une pour elle, une autre pour qui, tomber toutes les deux du même inconnu, personne à dire vrai ne savait rien, sa mère, sa mère, elle était la tienne, ne me dis pas le contraire, et là où elle est, elle, elle, ils continueront piqûre sur piqûre, avec leurs fausses mains, avec leurs fausses bouches, avec leurs faux quoi, qu'est-ce que tu vas imaginer encore, toi, à ce prix-là, poubelle-moi tout ça, tous ces nous nous aimons, tous ces nous nous, qu'on les égorge, qu'on les éventre, et qu'on les saigne, à la première cité qu'ils ont anéantie, on m'a dit que le sang partout, le sang lentement s'est élevé en plein ciel, le sang est devenu des nuages, de toutes les tailles, de toutes les formes, ils sont restés longtemps, là-haut, des milliers et milliers, tous d'un rose clair, tous d'un rose tendre, au-dessus des grands décombres, ô je t'envierais presque, soeur, mais moi, entends-tu, moi, me prendre pour une cage, pour une caisse, pour une clé, pour je ne sais même plus, pour le bout du monde, non, ça aussi...

- ... vos rires ont froid, vos larmes gèlent, il fait si chaud, pourtant, ce que je vous demanderais, c'est de ne plus m'appeler, jamais plus, vous, mais la nuit, programmez la nuit éternelle, il n'y a pas de soleil qui soit fait pour l'amour, sortir dedans, non, je ne veux pas, non, moi non plus, je ne vous appellerai plus, j'avais fouiné, j'avais raté, j'avais huppé, j'avais perché, toutes mes photos, que le temps vous pardonne, emportez-les, mais s'il vous plaît, non, n'en faites pas un banquet de bêtes, ô la tristesse, elle n'en pourrait plus, la tristesse, expédiez tout, mais loin, plus loin que les couleurs, cette voix peut-être, écoutez, oui, cette voix, celle qui chantait l'herbe à sourire, et ce n'est pas vous, partez, vous, partez, ma mère, elle va revenir, la profondeur ne questionne pas, c'est tout, j'ai lu les fleurs, j'ai lu les arbres, j'ai tout lu avant votre Infini 13, quand l'aurai-je enfin, quand, la paix, vos silences sont des corps, vos corps des noms et vos noms des douleurs, ma mère, elle n'était rien, ni rouge, ni jaune, ni verte, et c'est moi, la peur, moi, pas vous, combien de nuits j'ai mis les étoiles, elles ne savaient même pas leur âge, et les cités de verre, à quel jeu elles jouent, les cités, l'Infini, je n'ai jamais aimé l'Infini, partez tranquilles, je resterai dans ma capsule, je resterai, c'est lui, le trop, le 13...

- ... elle me souriait sans me reconnaître, et la paroi, si on pouvait, mais quoi, tu n'y frappais même pas, peut-être, en ces temps-là de foudre et de pluie, il y avait peut-être un quelque part, c'était on ne sait plus où, chaque vie avait le choix de ses j'ai trop mal, c'était où c'était, fini le hasard, fini même le pire, et pour toi, c'est de l'avoir compris, elle, sa folie, elle ne reviendra plus, mais toi, souffrir selon la loi, c'est ça, ce que tu veux, la cruauté, l'atrocité, tout, tout, le ventre maternel est tout sauf transparent, pourquoi, moi aussi, pourquoi suis-je sortie, à l'intérieur du verre il n'y a rien pour toi que des ennemis, jamais rien d'autre, et plus tu auras des ennemis, tu le sais, moins tu en seras un pour toi-même, oui, rentre, elle ne reviendra jamais plus, rentre là, regarde, elle maudissait même le soleil, dans l'habitacle des cités, c'est la première chose pourtant qu'on t'apprend, dans ton Infini, que toute voix est un piège, et jumelle, elle l'est, mais rentre, toi, mais rentre tuer, c'est ton 13 à toi, ton je le suis aussi, moi, ton impossible...

- ... ils sont tous partis, tous, je ne vais plus être seule...

- ... pas de vérité pourtant sans une voix pour la dire, et j'aimerais tant...

- ... si la nuit enfin venait à mon secours...

- ... sous la coupole sourde...

- ... ou chanter, oui, chanter...

- ... cette voix, toi, je te vois...

- ... je te vois, moi aussi, c'est toi...

- ... tu t'es mise à peine à chanter et c'est toi enfin, toi, moi qui allais rentrer dans ma cité...

- ... le monde à nouveau est derrière le monde, on disait qu'il fallait jeter un peu de sel, mais ici aussi, je ne serai jamais plus seule, oui, c'est toi et moi, toujours...

- ... toujours, oui, toujours, leurs labos, qu'est-ce que c'est, leurs éclairs, rien, mais rien, par rapport à cette lumière-là, je te vois, toi, dans ma capsule...

- ... écoute, écoute, ils m'ont tout pris, mais pas mes mots, c'est la seule chose, la seule, que personne ne peut me prendre, et mes mots, c'est pour toi...

- ... tes mots pourtant qui sont si peu les miens, ta voix est la mienne, elle, et ma voix la tienne, ô pourquoi, pourquoi es-tu celle que tu es...

- ... et tout le reste, écoute, ils l'ont emporté, tout, la photo de la bicyclette, elle aussi, avec ses pédales, tu te rappelles, je venais de l'avoir, mais je le sais, maintenant, je le sais, ce qui se passait là-bas, sur les plages...

- ... la bicyclette, oui, je me rappelle, et sur les plages, oui, l'eau qui va, l'eau qui vient, dans un sens, dans l'autre, et sans s'arrêter, je la vois, l'eau...

- ... l'eau toute blanche, on m'a dit ce que c'était, sur les plages, là-bas, l'eau toute blanche, c'était des millions et millions de tout petits bonhommes tout microscopiques et tout blancs, sur des bicyclettes elles aussi toutes blanches, toutes microscopiques, tous pédalaient et pédalaient à toute vitesse et fonçaient droit, puis d'un seul coup et tous ensemble ils se retournaient et repartaient dans l'autre sens, et pédalaient et pédalaient à toute vitesse et jamais ne s'arrêtaient, jamais, là-bas sur les plages, et millions blancs tous dans un sens, et millions blancs dans l'autre, et c'était pour les voir, la nuit, que le ciel allumait la lune...

- ... je vois tout ce que j'écoute, c'est vrai, mais dire ce que tu en dis, comment je le pourrais, comment, moi, leur pensée à pensée, ils le trouveront un jour, dans leurs labos, mais nous, nous leurs jumelles, nous leurs jumeaux, c'est ça, la vérité, plus il y a de l'identique, écoute, et moins il y a du même...

- ... plus rien, ici, il n'y a plus rien de tout ça, le monde, là-bas, c'était une nuit qui chante...

- ... vivre dans l'Infini, mais pourquoi ne peux-tu pas, pourquoi...

- ... ne m'en parle plus, non, non, l'Infini, je veux l'oublier...

- ... si tu avais voulu, aux écoles du mal, si tu avais tout travaillé, torture et meurtre...

- ... non, je ne vois pas, non, ce 13, écoute, ce 13, mais je n'ai jamais pu, jamais...

- ... si tu avais ne serait-ce même qu'essayé, tu ne le serais jamais devenue à ce point-là, ce que tu es...

- ... folle, entièrement folle, oui, c'est ce que tu dis, toi aussi, mais ça non plus, je ne le vois pas...

- ... être ce que tu es, mais là où tu l'es, tu ne reviendras plus, toi, toi, jamais plus on ne vivra ensemble... - ... alors ensemble, écoute, alors on va l'ouvrir ensemble...

- ... l'ouvrir...

- ... la capsule, écoute, la capsule, ensemble...

- ... ouvrir la capsule...

- ... un même geste ensemble, et tout est fini, écoute, un même simple geste...

- ... et tout est fini, mes yeux, toi, mes yeux...

- ... do do l'enfant do l'enfant dormira bien vite...

- ... je ne vois plus rien...

- ... do do l'enfant do l'enfant dormira bientôt...

- ... plus rien...

- ... c'était ce que maman nous chantait, tu te souviens, l'enfant do, pour nous endormir...

- ... je ne veux pas dormir, je ne veux rien, rien de tes c'était, rien de ta mère à toi, rien de ta mère berceuse, rien de ta mère prière, elle était comme n'importe qui, avec sa prière, elle ne savait plus ce que ça voulait dire, elle priait, mais folle, elle l'était déjà, folle, elle et ses mains jointes...

- ... ensemble, en ce monde, toi et moi, on est venues ensemble, et ma mère, ma mère, elle était la tienne...

- ... une autre, toi, une autre mère, c'est ça, ce qu'il t'aurait fallu, c'est ça et c'est tout, tu aurais vécu alors comme tout le monde, et toi aussi, tu aurais tué...

- ... ce qu'il m'aurait fallu, à moi, c'était l'eau toute blanche, et moi aussi, j'aurais pu jouer à bicyclette, avec les millions et les millions d'autres, sur les plages...

- ... ta cité Innocence, tu n'as même pas pu y rester, tu es là où tu es, maintenant, et tu ne reviendras jamais plus...

- ... ici, je suis ici, et je vais mourir...

- ... aimer, écoute, aimer, tu ne veux même pas, mais à l'âge qui est le tien...

- ... mais qui est le tien aussi, et toi, aime, et vis, toi, vis, moi, je vais mourir seule...

- ... se tuer soi-même, se suicider, c'était bon au temps des c'était...

- ... la capsule, moi, je vais l'ouvrir...

- ... non...

- ... soeur...

- ... vivre sans toi...

- ... mourons ensemble...

- ... mourir...

- ... do do l'enfant do...

- ... non, non, non...

- ... écoute, ils vont revenir, je ne t'entendrai même plus, ce qu'il faudra alors, c'est que je rentre avec eux dans leur cité, je n'aurai plus ma capsule, et mourir, je ne pourrai plus mourir...

- ... j'ai peur...

- ... peur, c'est fini, le 13, n'aie plus peur, tu es prête...

- ... une mort pour deux, une mort jumelle, oui, toi et moi...

- ... la berceuse de maman, mais tu t'en souviens, toi aussi...

- ... son ridicule, son enfant do, son pour nous endormir, oui, je m'en souviens...

- ... chantons-la ensemble, et juste à la fin, à la toute dernière note, ensemble on ouvre, toi et moi, on ouvre et rien...

- ... rien...

- ... la nuit éternelle...

- ... la nuit...

- ... l'enfant dormira...

- ... je te vois chanter, tu es belle...

- ... tu es belle, toi aussi, ô chantons ensemble...

- ... ensemble, oui, ensemble...

- ... do do l'enfant do...

- ... toi...

- ... toi...

- ... recommençons...

- ... ensemble...

- ... do do l'enfant do l'enfant dormira bien vite do do l'enfant do l'enfant dormira bien




Extrait (LE DERNIER MOT) © Maurice Regnaut




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