torse archaique d'appolon

Nous n'avons pas connu sa tête prodigieuse
où les yeux mûrissaient leurs prunelles. Pourtant
son torse luit encore ainsi qu'un candélabre,
c'est son regard, simplement dévrillé en lui,

qui s'y tient rayonnant. L'orbe de la poitrine
ne pourrait sinon t'éblouir, et de la douce
courbe lombaire un sourire ne pourrait fuir
vers ce centre porteur auparavant du sexe.

Cette pierre sinon, dégradée et tronquée,
aurait pour loi le limpide à-pic des épaules
et ne chatoierait pas comme la peau d'un fauve ;

et n'éclaterait pas hors de tous ses contours
à la façon d'un astre : il n'existe point là
d'endroit qui ne te voie. Il faut changer ta vie.


traduction Maurice Regnaut

in
Rainer Maria Rilke
Oeuvres poétiques et théâtrales
Pléiade, ed. Gallimard, 1997, p.419
© Gallimard

 





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