EVENEMENTAIRE






















  Admiré, mais sans aucune passion, révéré, mais sans intimité aucune, ainsi était Che Guevara, lointain, presque mythique, ainsi pour moi depuis toujours, quand il y eu cet instant, quand il y a eu

soudainement lui, soudainement ce visage en moi, sans raison, tel qu'il est sur les murs du monde,

avec cette odeur, soudainement, cette odeur d'espérance en moi montant du fond du temps, cette odeur d'eau,

est-ce donc vrai, à notre insu même, est-ce donc lui, au coeur de la légende, austère et tendre, amical et secret,

Che Guevara, le mort d'espoir, notre mesure, est-ce lui, notre justice à tous ?

Oui, du point de vertige où voici mon âge, au-dessus de tant de profondeur ouverte, une question, le destin de toute cette jeunesse à nous, de cette innombrable fraîcheur, c'était soudainement en moi une toute simple, une terrible question.

Qu'avons-nous fait du temps ? Nous qui n'étions que révolte, oracle et promesse,

où est notre oeuvre ? Amère vérité que la nôtre à tous, reniement, rire, accommodement, dégagement sans autre,

tout n'est que pose et notre temps échec. Et cette soif en nous de vivre assoiffé, cruauté pour rien,

ce regret quand même de l'espoir, quand même il serait du seul désespéré, est-ce vie encore, est-ce déjà mort ?

Et c'est alors que soudainement, Che Guevara, ce n'était plus lui, c'était toi, soudainement comme chaque fois, comme tant de fois chaque jour, toi en vérité ma seule humaine cause, au nom de quoi finalement, c'est vrai, je devrais n'être plus que silence, au nom de qui éternellement pourtant vivre est parler,

visage sur le ciel et regard au loin, tel que toujours tu m'apparais, comme aux enfants les grandes personnes,

et de toi, jour et nuit, de toi seul je suis le gourbi, le bistrot toujours, la rue et l'usine,

et toujours la forêt, père,et sans doute est-ce trop, ce que j'ai tant rêvé, désir trop grand, trop folle offrande,

mais père, un autre rêve, était-ce possible, y aura-t-il jusqu'au bout du temps, peut-être au dernier instant même,

soudainement toi
 


© Maurice Regnaut

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